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Un gars nommé Denis Lecarme



J’ai rencontré Denis Lecarme en juillet 2008. Je cherchais du taf et il m’en a donné. Il venait de fonder le collectif de chanson La Compagnizz, qui regroupait son projet solo et le duo lalaBolduc (Sainthomas et Otchoz se joindraient plus tard à l’asso). La Compagnizz avait besoin d’un chargé de diffusion et de communication. L’affaire fut conclue en une petite heure de discussion avec Denis, Carole et Lucile. Ils étaient cool comme ça, Denis, Carole et Lucile.


Ça a duré deux ans et, comme tous les jobs culturels, c’était plus qu’un job. C’était des aventures, des rebondissements et surtout des amitiés. J’ai plein de souvenirs funky de ces journées passées à harceler les programmateurs de salles au téléphone ; des concerts de mes « patrons » auxquels j’assistais toujours avec émotion ; des petites soirées dînatoires que j’organisais cà et là à la maison avec eux, juste pour passer du temps ensemble et apprendre à nous connaître…


Et je pourrais vous raconter bien des choses sur tout ça, sur lalaBolduc, sur Sainthomas et sur Otchoz, sur notre petit feuilleton Bollywood et des tas d’autres trucs, mais je me contenterai de leur dire merci d’avoir partagé ce bout de route avec moi, parce qu’aujourd’hui, c’est de Denis qu’il s’agit.


Denis, je ne peux pas dire que je le connaissais si bien que ça, pas assez bien en tout cas pour me sentir légitime à écrire son éloge ou à parler de la personne qu’il était au quotidien. D’autres, plus proches, le feraient certainement mieux que moi. Concernant sa carrière musicale, j’en sais ce qu’il m’en a lui-même raconté, et il vous le racontera à vous aussi si vous voulez (suivez les liens). Je sais que ses années 80 furent débridées, qu’il a fait ses premières armes avec les projets punk Haine et Discipline avant de sévir au sein de L’Enfance Éternelle, groupe légendaire de la scène new wave lyonnaise s’il en est. Je sais que ses années 90 furent bien remplies et qu’après une expérience transitoire, Le Bal Perdu, il s’est tourné vers la chanson et a connu un certain succès avec L’Orchestre de Poche et ses 500 et quelques concerts. Je sais que ses années 2000 furent le moment du grand saut : se lancer en solo, enfin ! C’est un peu après ça que je suis arrivé. Et si je suis parti en 2010, ce n’est pas parce que j’en avais marre de mes amis chansonniers, mais parce qu’une autre vie m’appelait en Asie. À vrai dire, les seuls désaccords que je me souvienne avoir jamais eu avec Denis, c’est qu’il n’aimait pas Yellow Magic Orchestra et la seconde période de The Human League (personne n’est parfait).


Donc, disais-je, je ne le connaissais pas assez pour me sentir légitime à écrire son éloge ou à parler de la personne qu’il était au quotidien. Tout ce que je peux dire c’est que le Denis que j’ai connu, comme collaborateur et comme ami, c’était une crème, un vrai gentil, un mec d’une bienveillance constante, passionné et passionnant.


Un jour, il a annoncé un truc sur Facebook. Je m’attendais à un concert, mais c’était un cancer. Notre dernier échange remonte à juillet 2018, il me disait qu’il allait mieux, qu’il comptait bien s’en sortir. Six mois plus tard, j’apprenais par le statut d’un @mi commun qu’il nous avait quittés. C’était le 2 janvier 2019. Denis avait 54 ans. Je ne l’avais pas vu depuis presque dix ans, mais j’étais persuadé que je le reverrais un jour et ça m’a fichu un sacré coup.


Alors, je suis allé voir un peu sur YouTube, ce qui restait de tout ça, de son travail. J’ai vu qu’il y avait plein de trucs de L’Enfance Éternelle, dont le label Infrastition avait eu la bonne idée de rééditer les œuvres en 2007. J’ai vu qu’il y avait un album de l’Orchestre de Poche. Et j’ai vu qu’il n’y avait rien du tout de Denis Lecarme.


Quand j’ai rejoint La Compagnizz, Denis avait pourtant déjà publié un album intimiste, Les enfants sont méchants (2006), et il s'apprêtait à sortir un EP, Denis Lecarme (2009). Peu avant mon départ, il caressait le rêve de renouer avec ses racines punk. Il se trouvait trop sage, il avait envie de secouer la chanson, de retrouver quelque chose de sauvage. Quoi que nous fussions restés en contact, je n’ai malheureusement jamais entendu l’intégralité de son opus de 2012, Denis Lecarme & Mystery Train. J’espère mettre la main dessus un jour (à bon entendeur…).


Ensuite, je me suis souvenu que Denis avait un Soundcloud et j’ai vu qu’il y avait mis pas mal de trucs (y compris des extraits du dernier opus suscité). Mais c’était tout en vrac, et il en manquait. Et puis Soundcloud, c’est bien moins fréquenté que YouTube. Il était aussi un peu sur Jamendo, mais qui va encore sur Jamendo ? Alors, ce soir bizarre de janvier 2019, je me suis dit que j’allais les y mettre, moi, sur YouTube, les deux premiers disques solo de Denis, les deux disques de quand on bossait ensemble. Je ne savais pas pourquoi il ne l’avait pas fait lui-même. Je ne savais pas s’il aurait voulu que je le fasse. Mais je savais que ses chansons, avec tout le travail et le cœur qu’il y avait mis, elles méritaient mieux que de tomber dans l’oubli. Et puis, après tout, c’était bien pour faire sa promo qu’il m’avait embauché jadis !


Et puis, la vie s’est produite, et ma vie a été un peu compliquée depuis un an, et je n’ai pas pris le temps de le faire, mais je n’ai pas oublié. Et finalement, voilà, aujourd’hui, c’est fait.


C’était chouette, ces deux années à bosser avec toi, Denis. Alors j’ai eu envie d’être ton chargé de diffusion une dernière fois. Juste une toute petite dernière fois, pour la route.


Bon voyage, copain…

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