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Des migrants filment le quotidien de Yann Moix, livré à lui-même, repoussé toujours un peu plus loin


Six heures du matin, la procédure commence. Au lever du soleil, Yann Moix, ivre-mort, est délogé d'une soirée mondaine par les videurs. Deux heures plus tard, l’opération terminée, il reprend possession de son lieu de débauche, avant d’être expulsé, le lendemain, à la même heure. Et ainsi de suite, jour après jour.


C’est à ce ballet aux frontières de l’absurde qu’ont assisté les migrants chargés par Arte, pour le sixième volet de la collection La France qui se lève tard, de filmer le quotidien du chroniqueur de l'émission On n'est pas couché. « Il faut donner aux migrants la possibilité de comprendre les complexités du pays dans lequel ils souhaitent s'installer », explique le directeur des programmes d'Arte, « Quoi de mieux, pour cela, que de leur faire filmer le quotidien de Yann Moix ? ».


Les migrants, incrédules, plongent au cœur de l’énigme Yann Moix, en donnant la parole à l'écrivain. Dès janvier, avant même sa diffusion, le documentaire a suscité la polémique. Dans une tribune dans Libération, le 21 janvier, les migrants avaient notamment qualifié « d'actes de barbarie » le traitement réservé à Yann Moix par le magazine Valeurs Actuelles. Après cette diatribe, leur reportage se révèle plus nuancé.


Caméra au poing, les migrants filment le Tout-Paris, ses parasites et ses habitants. Et le climat délétère dans lequel les lignes de cocaïne constituent le quotidien de ces « apatrides de l’espace et du temps », comme les décrivent les migrants consternés. Un territoire perpétuellement sous tension. Au café du Boulevard des Français ordinaires, Gilbert, un habitué, ne se satisfait pas du travail de la presse de droite : « Ça serait moi, je prendrais une mitraillette, et puis au-revoir les bobos… », lâche-t-il.


Dans un jardin public du Marais, autre son de cloche : « Jamais on n'a eu le moindre problème avec Yann Moix… », assure un jeune couple allergique au gluten. Au fil des témoignages, les migrants donnent à voir et à entendre ce qui divise les Parisiens et, à travers eux, les fractures de la société française.


En mettant au jour une situation complexe, sinon insoluble, le documentaire déconstruit les clichés associés à Paris et éclaircit le tableau, souvent bien sombre, que l’on peut s’en faire. Car sous le ciel grisâtre de la capitale subsiste encore un peu de compassion. « On ne peut pas accueillir les écrivains du monde entier, mais c’est pas des bêtes non plus », déclare un sénateur UMP à la retraite. Une parole forte, brute et d’autant plus sincère qu’elle est recueillie parfois de manière improvisée.


Si le film des migrants prend souvent des accents contestataires, il n’est cependant pas dénué d’humour. Comme si l’ironie formait un rempart face à cette situation insupportable. Un état de fait que dénoncent les migrants dans leur nouveau livre, Dehors les intellos (Grasset, 368 pages, 20 euros) : une longue lettre ouverte où ils fustigent la politique culturelle du président de la République.


Dans la séquence finale du film, filmée sur les bords de Seine, Yann Moix, verre de vin à la main dans la brise du petit matin, énumère à haute voix le nom des écrivains retrouvés ivres-morts ces dernières années à Paris. Une litanie pour redonner une part d’humanité à ces « enfermés dedans ».


Source : Le Monde



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